Diagonales, magazine romand de la santé mentale

mercredi, 09 mai 2018

Diagonales 123, Dossier Rire

Un bon médicament

«Rire, c’est bon pour la santé.» Au-delà du ton et de la forme qui lui ont valu les railleries de la planète entière, le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann avait raison lors de son discours prononcé à l’occasion de la Journée des malades, le 5 mars 2017. Le rire fait du bien
physiologiquement, psychiquement, mais aussi, et peut-être même surtout, socialement. Selon les situations, il offre de la détente, un moment d’évasion, une échappatoire et, très souvent, il crée du lien.

Pour l’humoriste romande Brigitte Rosset, le rire est même un bon médicament. Elle le dit sans ambages dans notre dossier consacré au sujet: il l’a aidée à rebondir lorsqu’elle était au fond du trou. En clinique, il lui a permis de dédramatiser sa situation.

Les effets bénéfiques du rire sont désormais prouvés par de nombreuses études. Celui-ci n’a jamais été aussi analysé qu’aujourd’hui (il existe même des gélotologues, des spécialistes du rire!). Les hôpitaux l’ont compris depuis longtemps, à l’image des HUG qui sont à l’origine d’Hôpiclowns. Depuis plus de 20 ans, les clowns de l’association genevoise passent chaque semaine dans les
unités pédiatriques de l’hôpital et, depuis une dizaine d’années, ils animent aussi les zygomatiques de nombreux adultes hospitalisés.

Paradoxalement, il semble que nous rions moins qu’avant dans nos sociétés. Nos gorges ne se déploieraient plus que quelques petites minutes par jour. Une évolution qui explique certainement une partie du succès des pratiques telles que le yoga du rire, qui se multiplient dans nos contrées.

Dans certains cas, le rire peut néanmoins être un rempart cachant un grand vide, une détresse. Pour les personnes concernées, ces «dépressifs souriants», lorsque le rempart lâche, le choc peut être extrêmement violent, dévastateur. D’où l’importance de prêter une réelle attention aux personnes qui nous entourent, et de s’assurer que leur rire est un rire qui crée du lien, et non un
rire de façade.

Stéphanie Romanens-Pythoud

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Parler plus fort

Dans notre pays, selon les chiffres de l’Observatoire suisse de la santé, environ 1000 personnes se suicident chaque année. C’est beaucoup, même si ce taux est proche de la moyenne mondiale. Pourtant, le sujet reste tabou, comme on peut le percevoir dans notre dossier consacré à la question, en complément du prochain congrès du Graap qui aura lieu les 2 et 3 mai prochain au Casino de Montbenon, à Lausanne.

Briser ce tabou et encourager les personnes qui pensent au suicide à en parler: tels sont les enjeux majeurs de la prévention. «Libérer la parole est la première étape pour trouver de l’aide», rappelle Léonore Dupanloup, chargée de communication et de la prévention médias à l’Association Stop Suicide. Elle fait ainsi écho au slogan de la campagne de prévention contre le suicide des CFF et
du canton de Zurich «Parler peut sauver». Car oui, parler peut sauver. Une politique active de prévention du suicide permet bel et bien de diminuer le nombre de personnes qui mettent fin à leur jour. Plusieurs pays en ont fait l’expérience, y compris la Suisse.

Parler, c’est donc faire campagne contre le suicide. C’est aborder publiquement la question dans les écoles, les médias et la société en général. C’est informer la population et former les professionnels. C’est faire des recherches pour mieux connaître le phénomène, c’est sensibiliser les politiques. Parler, c’est également oser aborder le sujet en famille ou entre amis. C’est pouvoir confier ses peurs et ses émotions, en toute confiance, à un proche ou à des professionnels. Car parler, c’est aussi se mettre à l’écoute de l’autre, prendre au sérieux ce qu’il nous confie, l’accompagner et l’orienter au besoin vers un service d’aide adéquat. Parler, c’est encore soutenir
les proches lorsque la personne est malgré tout passée à l’acte, leur dire qu’ils n’ont pas à se sentir coupables.

La Suisse compte plusieurs organisations qui font un travail important dans tous ces domaines, à l’image, de ce côté-ci de la Sarine, de Stop Suicide ou de Pars Pas. Et depuis 2016, elle agit de manière plus coordonnée, grâce à l’adoption d’un plan d’action pour la prévention du suicide au niveau national. Ces démarches sont indispensables, et il importe de les soutenir, de les renforcer. Car pour diminuer durablement le taux de suicide dans notre pays, il va falloir que plus de monde parle plus fort.

Stéphanie Romanens-Pythoud

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Une union complexe

Addiction et troubles psychiques font malheureusement bon ménage. Un ménage uni par des liens complexes, qu’il est difficile de démêler. Est-ce un trouble psychique qui pousse une personne vers un comportement addictif? Est-ce plutôt l’inverse? Un tel lien de cause à effet peut-il être établi? Comme bien souvent, la réponse à ces questions dépend de la situation, même si des tendances se dessinent dans certains cas, comme le précise le professeur Jacques Besson. Dans notre dossier consacré au sujet, il affirme: «On parle de double diagnostic, mais dans bien des situations, on devrait plutôt parler de triple, voire de quadruple diagnostic.»

Quoi qu’il en soit, les personnes concernées par ces diagnostics multiples tombent vite dans une sorte de «spirale infernale». Dans son témoignage, Antoine apparente l’addiction à une béquille que la personne dépendante utilise pour apaiser son mal-être. Lorsque la première béquille ne déploie plus tout son effet, elle la remplace par une nouvelle canne. «Finalement, tu te retrouves avec tellement de béquilles que la simple idée de t’en débarrasser te décourage», explique-t-il. Parmi elles figurent l’addiction aux drogues légales et illégales, l’addiction sans substances (jeux, Internet, etc.), mais aussi l’addiction aux médicaments. En Suisse, quelque 60 000 personnes souffrent d’une dépendance aux psychotropes, selon le Dr Mohamed Hachaichi.

Dès lors, une volonté de fer et des efforts faramineux sont nécessaires aux personnes concernées pour s’en sortir. Et un soutien professionnel adéquat est indispensable. Dans ce domaine, le canton de Vaud fait plutôt figure de bon élève. Depuis plusieurs années, les différents acteurs impliqués travaillent en bonne collaboration avec, notamment, un dispositif de liaison en addictologie pour épauler les équipes de psychiatrie générale et un volet addictologique pour le suivi intensif dans le milieu.

Bien entendu, il reste encore beaucoup à faire, mais cette collaboration de toutes et tous est un pas important. Les structures comme la Fondation ABS (Accueil à bas seuil), que nous présentons dans ce dossier, forment également un précieux maillon de la chaîne, contribuant à réduire les risques sanitaires pour les personnes concernées et accueillant, dans l’anonymat, celles et ceux qui ne parviennent pas à se maintenir dans une structure de soin. Une porte ouverte qui peut faire la différence.

Stéphanie Romanens-Pythoud

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La psychoéducation, un concept en mouvement

Se former et s’informer pour mieux maîtriser sa maladie, pour mieux accompagner son proche souffrant de troubles psychiques. C’est le principe de base de la psychoéducation. Son objectif? Permettre aux personnes de surmonter leurs troubles par l’apprentissage et l’acquisition de compétences. Dans le dossier de ce numéro, «Diagonales» a voulu explorer les différentes facettes de ce concept au nom familier pour beaucoup, mais dont la véritable signification reste souvent mystérieuse.

La version classique de la psychoéducation, née dans les années 1970, réunit un groupe de pairs (personnes concernées par la maladie ou proches) pour une série de séances alliant cours et partage d’expériences. La formule est aujourd’hui largement répandue et a fait ses preuves, comme en témoignent nos articles sur des expériences genevoises et fribourgeoises.

Mais avec le temps, de nombreuses autres façons d’acquérir des connaissances sur la maladie et les traitements, que l’on peut associer à de la psychoéducation, ont vu le jour. Les prestations à la croisée des chemins entre éducation et psychologie que propose Roland Hifler dans ses centres en sont un exemple marquant, adapté aux enfants et aux jeunes adultes. Les plateformes Internet, comme le programme e-motion du Réseau fribourgeois de santé mentale, en sont une autre illustration, permettant d’atteindre des personnes isolées. Et depuis peu, un nouvel outil a fait son apparition: les «serious games», ces jeux vidéo «sérieux» à visée thérapeutique et/ou informative. Avec eux s’ouvre une nouvelle palette des possibles qui permettra certainement de toucher les nouvelles générations.

Quelle que soit sa forme, l’idée de la psychoéducation est toujours la même: transmettre des compétences et des connaissances aux personnes concernées, aux proches, voire à un plus large public dans le cas des jeux vidéo. Mais elle s’appuie également, et même surtout, sur l’expérience des personnes concernées et des proches. «La psychoéducation part de l’idée que le patient est l’expert de sa propre maladie», insiste ainsi le professeur Jean-Michel Aubry. Comme toujours en psychiatrie, l’alliance des différentes expertises constitue le préalable à toute solution durable.

Stéphanie Romanens-Pythoud

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L'authenticité, cette vérité de l'être

Lorsque nous avons reçu le thème de la prochaine Journée mondiale de la santé mentale à la rédaction de «Diagonales», nous sommes restés perplexes durant quelques instants. L’authenticité… Qu’allions-nous pouvoir écrire sur un thème si vaste, si abstrait, si intime? Et comment allions-nous le relier à la santé mentale?

Un long silence s’est installé autour de la table en pleine séance de rédaction, laissant chacun à ses interrogations, le regard dans le vide ou, au contraire, concentré sur un point imaginaire, à l’affût d’une idée… Puis, d’un seul coup, la parole s’est déliée. Le thème, obscur quelques instants plus tôt, prenait forme, avec une multitude d’«angles d’attaque» possibles. D’une page blanche, nous nous sommes retrouvés avec plus de possibilités que de pages disponibles… et donc avec une sélection à opérer pour construire un dossier cohérent… Nous espérons aujourd’hui que nos choix vous sembleront pertinents!

Avec un sujet si personnel, il nous a paru important d’aller au-delà du débat philosophique qui occupe les érudits depuis l’Antiquité, pour nous intéresser à ce que l’authenticité signifie concrètement, dans la vie de tous les jours, pour les personnes concernées par la maladie psychique. Il nous semble que les échanges du groupe d’entraide du Graap-Fondation de Lausanne, relatés dans un article du dossier, montrent, mieux que n’importe quelle théorie, à quel point l’authenticité touche à l’essence même de ce que nous sommes. Et dans quelle mesure elle peut être vécue différemment d’une personne à l’autre, d’une situation à l’autre, sans pour autant trahir cette vérité singulière, ou cette vérité de l’être dont parle le philosophe français Oscar Brenifier.

Ce caractère éminemment intime de l’authenticité, et de ce qu’elle implique pour chacun de nous, se dégage également des autres articles que nous avons choisi de vous présenter. Que ce soit dans les relations sociales que décortique Olivier Spinnler, dans les relations entre le thérapeute et son patient que décrit Nicolas Nussbaumer ou lors de la recherche d’un emploi, quiconque veut être authentique est amené à puiser au plus profond de lui. Car, comme le dit Fabienne Loriol Egger, coach et formatrice, «l’important est surtout de se dire la vérité à soi-même».

Stéphanie Romanens-Pythoud

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