Société et santé psychique: quel avenir?
Voilà douze ans que «Diagonales» traite de l’actualité de la santé mentale en Suisse romande. Sa mission: relater les mouvements qui traversent ce domaine en mettant un accent sur l’aspect social. Cette édition spéciale célèbre le 100e numéro. L’occasion de jeter un regard sur le chemin parcouru et les enjeux à venir.
Les associations de défense des patients psychiques se battent depuis de nombreuses années pour améliorer leurs conditions. Porteuses d’une vision nouvelle de la psychiatrie, elles offrent des espaces de reconstruction individuelle et favorisent l’émergence d’actions collectives. Au coeur de ce modèle: le rétablissement renforcé par les ressources et compétences de la personne, et l’intégration dans la communauté. Le patient-citoyen est né et s’implique à tous les niveaux de la société. Un type d’expertise inédit se développe, celui des personnes en souffrance psychique et des proches. Des experts désormais invités à donner leurs avis au sein d’espaces consultatifs. Leur intégration dans des instances décisionnelles reste cependant rare. Cette nouvelle conception de la santé mentale s’est étendue à divers domaines. Les pratiques psychothérapiques ont évolué, considérant la relation médecin/patient comme une rencontre de deux savoirs. Et les assurances sociales ont franchi un cap décisif puisque l’AI met désormais l’accent sur la réinsertion.
Malgré ces avancées, la logique économique dominante se généralise à l’ensemble des secteurs d’activités. Elle se manifeste par une érosion du système des protections sociales et un retour des pratiques d’assistance. L’Assurance invalidité a subi d’importantes révisions, avec pour seule perspective son assainissement financier. Avec ce raisonnement comptable, nombre d’individus ont été privés de l’accès à l’AI, ce qui implique pour certains un recours à l’aide sociale. En parallèle, les lobbies économiques tentent de soustraire les entreprises aux mesures d’intégration des personnes invalides. Les professionnels de la santé font davantage l’objet de contrôles et doivent rendre des comptes. Ce qui peut les inciter à prescrire des traitements plus courts. Le risque étant de privilégier l’aspect financier au détriment des besoins réels des patients.
Dans ce climat, il est primordial de replacer l’être humain au centre des réflexions. Et de continuer à travailler sur la déstigmatisation des individus touchés dans leur santé psychique. Une réorganisation du système de santé est aussi nécessaire. Elle doit permettre un meilleur accès aux soins à une population dont les risques d’isolement et de marginalisation restent importants. Le mouvement est lancé au sein des services hospitaliers. Ils s’adaptent mieux à la demande et proposent un accompagnement plus adéquat aux patients sortant de l’hôpital psychiatrique pour les intégrer dans un réseau social et sanitaire.
Nadia Ben Said
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