Diagonales, magazine romand de la santé mentale

Les folles couleurs de la «Mad Pride»

«Le 10 octobre, la Journée mondiale de la santé mentale verra la tenue d’une Mad Pride à Genève.» Quand cette phrase a été prononcée en séance de rédaction, les regards se sont croisés, intrigués: personne n’avait jamais entendu le terme «Mad Pride». Bien que cette manifestation festive existe depuis longtemps à l’étranger, aucune n’a encore eu lieu en Suisse. Et pour cause: ici, il n’est pas coutume de manifester, de se montrer, de révéler. On préfère ne pas déranger, ne pas gêner. Surtout lorsqu’on souffre, qu’on se sent particulier. Pourtant l’indifférence et le silence deviennent destructeurs. Ils peuvent même tuer.

L’idée de défiler demande donc de l’engagement, de passer un cap, mais elle semble fondamentale pour progresser. Que l’on soit atteint dans sa santé psychique, proche de personnes en souffrance, professionnel ou simplement sensible à cette situation.

La «Pride» veut faire reconnaître la santé mentale comme un besoin vital au même titre que la santé physique. Elle cherche à mobiliser les citoyens aux côtés de personnes vivant avec des troubles psychiques, et elle veut rappeler que les maladies mentales ne sont pas irréversibles, que l’on peut se soigner et avoir sa place dans la société.

Peut-être qu’ici aussi les temps changent, finalement. La honte, la pudeur, le sentiment de gêner peuvent s’effacer face au besoin de reconnaissance, de solidarité et d’union. Un récent 14 juin historique et violet est là pour nous le rappeler. La Suisse bouge et existe. Rendez-vous donc ce 10 d’octobre, déguisé ou non, au bout du lac. Pour le colorer d’un brin de folie.

Laurent Donzel

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Il faut que tu respires...

Le souffle. Un phénomène vital, instinctif, aux vertus essentielles, mais dont les répercussions sur l’ensemble de notre santé corporelle et mentale semblent sous-estimées. Des études se penchent pourtant sur ses vertus thérapeutiques. Le champ des possibles s’avère ainsi bien plus large — et prometteur — qu’imaginé. L’approche médicale holistique apparaît comme indispensable pour relier ce phénomène aux autres composants de l’être humain sur le plan physique, psychique, voire spirituel pour certains. Car les vertus de la respiration sont connues depuis des millénaires. Associée parfois historiquement à une énergie divine, elle peut se lier à une dimension méditative.

Dans une démarche moins éthérée, «Diagonales» s’est attelé à tester une méthode thérapeutique par la respiration. Notre rédacteur a essayé quelques techniques. Résultat très positif et concluant: son expression de détente après la réalisation de ce reportage valait toutes les explications du monde!

Nous avons également mis l’accent sur la méthode Feldenkrais, qui lie harmonieusement mouvement et souffle.

Car la respiration, avec son double système de contrôle, a ceci de particulier: elle se fait automatiquement, mais nous disposons aussi d’un pouvoir d’influence volontaire sur elle. L’appareil respiratoire renvoie ainsi des informations à des zones cérébrales impliquées dans les émotions. Les exercices de respiration pourraient donc modifier durablement la plasticité neuronale et déployer des effets très positifs sur la santé physique et mentale. A condition, bien sûr, de les pratiquer régulièrement. Une discipline que l’on abandonne souvent, pour des raisons un peu mystérieuses, alors que nous disposons d’un outil fondamental toujours disponible pour notre bien-être.

Laurent Donzel

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Contraindre pour protéger?

Maladies psychiques et contrainte, tel est le thème du prochain congrès du Graap en mai. La contrainte a évolué, mais elle restera toujours l’objet d’une saine et nécessaire contestation. Son usage revêt des formes qui peuvent varier, selon l’histoire de l’établissement qui la pratique, les
cantons et les pays.

L’enfermement en chambre de soins intensifs, la fixation par des sangles ou la médication forcée constituent plusieurs de ces mesures extrêmes. Bien sûr, la contrainte est légalement autorisée: elle se justifie par la protection du patient ou d’autrui. Quand la personne en crise refuse les soins, quand elle a perdu sa capacité de discernement.

Cette limitation des libertés individuelles reste pourtant une atteinte grave aux droits de la personne. Elle est un enjeu permanent de lutte, de réinvention et de reconsidération pour tenter d’en minimiser l’impact potentiellement violent, voire destructeur, sur l’individu. Des solutions alternatives pour atténuer ces ultimes recours se sont développées. Dans ce dossier, nous abordons les directives anticipées et les plans de crise conjoints. Nous avons également voulu comprendre l’intervention de la police dans les cas d’urgences psychiatriques. Dans ces situations,
le dialogue de crise est fondamental. Une relation de communication spécifique contre la peur, prônée également du côté médical.

Pourtant, malgré cette volonté affichée de dialogue, la réalité vécue par les personnes ayant subi ces mesures peut être très traumatisante. Les témoignages nous le rappellent: des patients ont courageusement accepté de livrer leurs souvenirs douloureux. Des souvenirs que beaucoup préfèrent enfouir. Leurs propos témoignent de la violence ressentie et de la perte de dignité. Ils glacent le sang. Le dialogue, l’alliance thérapeutique, tant défendus, semblent alors bien loin.

Laurent Donzel

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Eloge du ni, ni...

Le réseau nuit-il plus aux personnes qu’il ne les aide? Voilà la question que s’est posée la rédaction de «Diagonales» et qui a donné lieu à ce dossier sur le cloisonnement dans l’action médico-sociale. Cette formule émet l’hypothèse d’un manque d’interactions entre les intervenants du réseau de soins et, en conséquence, de dégâts potentiels pour les «bénéficiaires», «clients», «usagers», «utilisateurs», que nous nous évertuons, aussi souvent que possible, à désigner par le terme de «personnes».

Le réseau est-il forcément contraignant? Cette autre question flottait autour de la rédaction. La réponse semblait pencher vers le «oui», tout en gardant une réserve. En gardant une réserve, on vous dit. Puis nous avons soumis nos hypothèses à l’épreuve de la réalité. Ce faisant, nous ne pouvons qu’être convaincus de la nécessité d’interroger, toujours et encore, nos idées reçues. Ce que les intervenantes et intervenants nous disent? Oui, le réseau peut s’avérer peu productif, étiqueter les personnes. Oui, les personnes ressentent du stress en se rendant aux rendez-vous avec, parfois, douze intervenants et des réunions qui s’éternisent. Oui, la multiplication de soignants et de travailleurs sociaux peut devenir un labyrinthe. Mais le réseau peut aussi constituer une formidable ressource.

Lorsqu’il est bien coordonné, il peut permettre de se relayer dans les moments difficiles. Il peut créer ou recréer du lien, pour des personnes qui n’en ont plus. C’est ce que rappelle le Rôtillon, structure d’hébergement et d’accompagnement psychosocial qui accueille une population dite à «bas seuil» à Lausanne. Quant aux «case managers», qui coordonnent le réseau, leur rôle peut se muer en partenariat, permettant à la personne de développer une autonomie.

Le réseau, comme tout autre travail en commun, est avant tout une question de personnes. La réalité qui en découle n’est ni toute sombre ni immaculée. L’«entredeux», lorsqu’il est synonyme de refus de céder à l’a priori, peut s’avérer salutaire.


Renata Vujica

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La force des soins

«Il existe, chez les soignantes et soignants, une intelligence du travail qu’on devrait exploiter beaucoup plus.» Les mots sont ceux d’Annie Oulevey, chercheuse à la Haute Ecole de la santé La Source, à Lausanne, interviewée en page 4. Mois après mois, elle recueille les mots de celles et ceux qui, sur le terrain, prodiguent des soins, tendent l’oreille, interagissent. Elle codirige une étude sur la pénurie du personnel
soignant, menée aux quatre coins de la Suisse.

Car problématique il y a, toutes professions confondues. Selon l’OBSAN, l’Observatoire suisse de la santé, les établissements helvétiques devront engager plus de cent mille soignants pour faire face aux besoins, à l’horizon 2030. En cause, le vieillissement de la population, mais aussi le manque d’attractivité de certains corps de métier, en particulier dans le domaine infirmier. Actuellement, la durée des carrières des infirmières et infirmiers est de cinq ans en moyenne.

Dans les recherches longitudinales, les constats sont peu ou prou les mêmes que ceux relayés dans la presse. Les conditions de travail se détériorent, les cas de burn-out pullulent, les dysfonctionnements institutionnels sont pointés du doigt. Mais loin de se lamenter, les personnes interrogées possèdent des ressources et proposent des ébauches de solutions. Nous en avons recueilli quelques-unes dans ce dossier.

Les propositions pour un mieux-être se situent à tous les niveaux: du personnel — comment prendre soin de soi quand on est psy ou ergothérapeute — au politique — l’initiative pour des soins infirmiers forts, lancée par l’Association suisse des infirmières et infirmiers —, en passant par l’organisationnel — le besoin d’une latitude décisionnelle. Sur le plan institutionnel, les réactions se situent, elles aussi, sur plusieurs plans. Certains hôpitaux mettent sur pied des ateliers pour dépister le burnout. De manière bien plus structurelle, les directrices et directeurs d’hôpitaux, réunis au sein de l’Association Swiss nurse leaders, soutiennent l’initiative pour des soins infirmiers forts. L’urgence est réelle, les idées abondent. Il est temps d’approfondir le dialogue.


Renata Vujica

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