Diagonales, magazine romand de la santé mentale

L'authenticité, cette vérité de l'être

Lorsque nous avons reçu le thème de la prochaine Journée mondiale de la santé mentale à la rédaction de «Diagonales», nous sommes restés perplexes durant quelques instants. L’authenticité… Qu’allions-nous pouvoir écrire sur un thème si vaste, si abstrait, si intime? Et comment allions-nous le relier à la santé mentale?

Un long silence s’est installé autour de la table en pleine séance de rédaction, laissant chacun à ses interrogations, le regard dans le vide ou, au contraire, concentré sur un point imaginaire, à l’affût d’une idée… Puis, d’un seul coup, la parole s’est déliée. Le thème, obscur quelques instants plus tôt, prenait forme, avec une multitude d’«angles d’attaque» possibles. D’une page blanche, nous nous sommes retrouvés avec plus de possibilités que de pages disponibles… et donc avec une sélection à opérer pour construire un dossier cohérent… Nous espérons aujourd’hui que nos choix vous sembleront pertinents!

Avec un sujet si personnel, il nous a paru important d’aller au-delà du débat philosophique qui occupe les érudits depuis l’Antiquité, pour nous intéresser à ce que l’authenticité signifie concrètement, dans la vie de tous les jours, pour les personnes concernées par la maladie psychique. Il nous semble que les échanges du groupe d’entraide du Graap-Fondation de Lausanne, relatés dans un article du dossier, montrent, mieux que n’importe quelle théorie, à quel point l’authenticité touche à l’essence même de ce que nous sommes. Et dans quelle mesure elle peut être vécue différemment d’une personne à l’autre, d’une situation à l’autre, sans pour autant trahir cette vérité singulière, ou cette vérité de l’être dont parle le philosophe français Oscar Brenifier.

Ce caractère éminemment intime de l’authenticité, et de ce qu’elle implique pour chacun de nous, se dégage également des autres articles que nous avons choisi de vous présenter. Que ce soit dans les relations sociales que décortique Olivier Spinnler, dans les relations entre le thérapeute et son patient que décrit Nicolas Nussbaumer ou lors de la recherche d’un emploi, quiconque veut être authentique est amené à puiser au plus profond de lui. Car, comme le dit Fabienne Loriol Egger, coach et formatrice, «l’important est surtout de se dire la vérité à soi-même».

Stéphanie Romanens-Pythoud

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Un grand soulagement

Lorsqu’on évoque les troubles de l’hyperactivité avec ou sans déficit de l’attention (TDAH), le haut potentiel intellectuel, voire le syndrome d’Asperger, on pense généralement à l’enfance. Pourtant, de nombreux adultes sont également concernés par ces problématiques, qui s’apparentent à des formes d’intelligences singulières. Comment vivent-ils avec ces spécificités? Sont-elles facilement identifiées? Quel accompagnement leur est proposé? C’est ce que «Diagonales» a voulu explorer dans son dossier.

Premier enseignement: ces troubles ou formes d’intelligences singulières sont encore peu connus chez les adultes. Ceux-ci suivent souvent un parcours chaotique et souffrent de grands malaises sans pouvoir en identifier l’origine, avant que leur spécificité ne soit identifiée. Le manque de connexion entre la pédopsychiatrie et la psychiatrie adulte en est une des raisons, selon le psychiatre Christophe Kaufmann. Le spécialiste du TDAH et des traumas chez l’adulte s’insurge d’ailleurs d’être encore considéré comme un pionnier, alors que l’on sait depuis les années 1980 que ces problématiques ne sont pas uniquement réservées à l’enfance.

Lorsque le diagnostic est posé tardivement, c’est souvent un grand soulagement pour les personnes concernées. Le témoignage de Caroline le montre très bien. Pouvoir enfin mettre des mots sur les maux leur permet notamment de trouver le soutien qui leur convient, que ce soit à travers une aide médicamenteuse, thérapeutique ou un coaching, comme le propose depuis peu l’association romande ASPEDAH.

Néanmoins, une fois le diagnostic posé, de nouveaux défis attendent les personnes concernées. Elles doivent bien sûr surmonter les difficultés sociales, professionnelles et familiales qui accompagnent souvent leurs problématiques. Elles doivent aussi affronter les nombreux clichés que leur trouble ou leur spécificité véhiculent encore dans la société. Notre article sur le syndrome d’Asperger en est une excellente illustration, alors même qu’il s’exprime différemment et avec une intensité variable d’un individu à l’autre. Somme toute, nous avons beaucoup à apprendre des personnes concernées par ces formes d’intelligences singulières d’une richesse largement insoupçonnée.

Stéphanie Romanens-Pythoud

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Fragiles et forts à la fois

Tous vulnérables! Le titre de notre congrès l’affirme: nous avons tous une part de vulnérabilité. Notre dossier propose d’explorer différentes facettes de ce sujet qui nous concerne tous, en complément des deux jours de conférences et d’échanges qui auront lieu les 17 et 18 mai prochains, au Casino de Montbenon, à Lausanne.

Bien que la recherche scientifique montre que nous ne sommes pas tous égaux face à la vulnérabilité psychique, son caractère universel et inhérent à la condition humaine s’érige comme une évidence. Nos fragilités, quelles qu’elles soient, restent néanmoins difficiles à accepter et à dévoiler, dans un monde qui érige l’excellence en valeur et qui nous pousse sans cesse à nous dépasser.

Et si reconnaître et accueillir nos fragilités nous rendait plus forts? Apprivoiser nos failles nous donne en tous cas une meilleure connaissance de nous-mêmes et favorise notre ouverture à l’autre. Apprendre à vivre avec elles nous permet aussi certainement de développer de nouvelles compétences et une expertise précieuse: celle de l’expérience.

Ainsi, oui, nous pouvons transformer nos vulnérabilités; Dea Evêquoz le dit très bien dans son texte ouvrant notre dossier. Pour ce faire, à titre individuel, l’offre thérapeutique, psychosociale, de développement personnel ou de coaching est aujourd’hui plus variée que jamais. Nous en donnons un exemple dans ce dossier: l’«approche narrative». Mais c’est à chacun de trouver le type d’accompagnement qui lui convient.

Plus fondamentalement, le lien social, l’empathie, l’entraide forment les chemins essentiels de cette transformation. Des voies que «La ligne de coeur» ouvre chaque soir sur les ondes de La Première, permettant aux auditeurs qui le souhaitent de se confier au sujet de leurs difficultés, prêtant une oreille attentive aux témoignages douloureux, encourageant la solidarité. Des pistes collectives de rétablissement que des organisations comme le Graap favorisent également au quotidien et que l’on peut suivre dans bien d’autres espaces. Avec ce conseil: celui de ne jamais s’épancher sur ses difficultés de vie sur les réseaux sociaux, la confidentialité n’étant jamais garantie sur ces plates-formes.

Stéphanie Romanens-Pythoud

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Vous reprendrez une fondue ?

Au fait, avez-vous mangé vos cinq fruits et légumes? Et votre régime se passe bien? Jamais l’alimentation n’a été à ce point au centre des discussions… et des médias. Un jour, on nous martèle les dangers du sucre. Le lendemain, on nous rappelle que notre société compterait 20% de personnes obèses — ce qui, comme le souligne un sociologue, est exagéré. Puis un article nous présente la vie présumée exaltante d’une mannequin très maigre.

Au milieu de toutes ces représentations et injonctions, où se situe la «vérité»? «Diagonales» a tenté d’y voir plus clair, sur la base d’expertises et témoignages variés. Nos conclusions, à découvrir dans notre dossier, sont très nuancées.

Plusieurs certitudes émergent cependant. Tout d’abord, les normes esthétiques varient selon les époques et les cultures. Au 18e et au 19e siècle, les rondeurs étaient valorisées en Occident. Plus loin de chez nous, dans des régions encore exposées à des pénuries alimentaires, le surpoids est vu comme un atout — y compris en matière de séduction.

Secundo, s’il existe une corrélation entre la «malbouffe» et certains troubles psychiques, c’est surtout la stigmatisation qui constitue un grand danger; dévalorisées et montrées du doigt, les personnes obèses courent un risque accru de dépression.

Une bonne nouvelle cependant: le plaisir et le partage comportent des vertus. En savourant un repas avec des amis, on éprouve des sensations positives et l’on renonce à de sales habitudes: se précipiter sur la mayonnaise, engloutir sa pitance en quatrième vitesse, ou encore se goinfrer en regardant la télévision. Bref, une fondue en bonne compagnie n’est pas forcément pire qu’un repas diététique avalé devant son ordinateur…


Alexandre Mariéthoz

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Une bulle de souffrance

«Les personnes qui consultent ont perdu leurs repères ― à un point tel que, parfois, elles ne se reconnaissent plus. Notre intervention les aide à retrouver leurs marques.» Comme le souligne le Dr Laurent Michaud, les patients des urgences psychiatriques sont désemparés, voire isolés dans une bulle de souffrance. Dans un tel contexte, l’accueil et l’écoute revêtent une importance absolument cruciale. Il s’agit de comprendre la détresse du patient et de l’aider à surmonter l’épreuve qu’il traverse.

Dans certains cas, une seule consultation suffit et permet d’éviter des complications telles qu’une dépression. Dans d’autres, les urgences psychiatriques assurent un suivi durant les semaines de crise. Parfois, une hospitalisation s’impose.

Cette prise en charge de l’urgence nécessite des synergies étroites entre le corps médical, les intervenants sociaux et la police. «Diagonales» examine cette collaboration, sur la base notamment d’un reportage au Centre d’urgences psychiatriques de Neuchâtel.

Notre dossier spécial bat en brèche quelques idées reçues. Non, les urgences psychiatriques ne sont pas un lieu violent; il n’y a pas plus de violence dans ces services qu’au sein des unités somatiques. Non, les idées suicidaires n’impliquent pas forcément un séjour à l’hôpital; une prise en charge ambulatoire, et surtout une solide alliance thérapeutique, peuvent suffire. Non, les urgences psychiatriques ne sont pas fréquentées par des fous; chacun peut être amené, un jour, à recourir aux urgences. Vous… comme moi.

Alexandre Mariéthoz

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